Cinq mois plus tard, comme dans un roman de John Le Carré, ils rencontrent secrètement celui qu’ils ne connaissent encore que sous le pseudonyme de « Citizenfour » dans une chambre d’hôtel de Hong Kong. Un reporter aguerri du Guardian, Ewen MacAskill, est aussi appelé en renfort afin de s’assurer que la réputation du prestigieux quotidien soit protégée dans cette affaire. Durant huit jours, filmés par Laura Poitras, Edward Joseph Snowden, informaticien travaillant pour la NSA, va révéler aux deux journalistes un volume considérable de documents décrivant les programmes de surveillance mondiaux mis en place par la NSA, tels la collecte des données de grandes entreprises du web (Facebook, Google, Apple…) par le programme PRISM, l’espionnage de câbles sous-marins de télécommunications intercontinentales, et d’institutions internationales comme le Conseil européen à Bruxelles ou le siège des Nations Unies…

Durant huit jours, on regarde Edward Snowden se livrer à la caméra et aux journalistes, préparant la publication des révélations, s’attendant à tout moment à voir la NSA débarquer dans la chambre. Huit jours surréalistes et baignés d’une telle paranoïa qu’elle prend même des allures comiques (la scène incroyable où Snowden tape son mot de passe sous une serviette, piquant un fou rire nerveux avec les journalistes). La révélation principale de ce documentaire, c’est la personnalité d’une lucidité, d’une intelligence et d’un courage admirables d’Edward Snowden, comment lui et les journalistes ont planifié les révélations pour qu’elles atteignent leur but et ne soient pas noyées dans le flot médiatique.

Citizenfour pose des questions éthiques fondamentales. À quel point la protection d’une population peut-elle se faire au détriment de libertés individuelles et au mépris de la vie privée ? Jusqu’où un gouvernement peut-il tenir des citoyens dans l’ignorance de ses actes en prétextant que c’est pour leur propre bien ? Est-il légitime d’enfreindre la loi afin de dénoncer de telles pratiques ? Alors que vient d’être publié le décret d’application de la loi de programmation militaire qui ouvre la voie à une surveillance administrative en France, et que le « Patriot Act à la française » est sur toutes les lèvres, le film de Laura Poitras est salutaire.