Mija, soixante-six printemps, élève seule son petit-fils, un collégien assez tête à claques, adolescent morose qui la traite comme une esclave, lui adressant à peine la parole. Elle fait le ménage chez un vieil homme hémiplégique qu’elle appelle « le Président ». Mija prend grand soin de son apparence, et, à l’automne de son existence, aspire à ne plus voir du monde que sa beauté. Elle s’inscrit à un cours de poésie remarqué par hasard, où il n’est question que de fleurs, où on lui demande comme premier exercice de décrire une pomme (ô combien difficile quand on y songe), un cours qui lui permet de s’évader des vicissitudes de l’existence et de se concentrer sur ce qui désormais lui importe le plus.
Mais la laideur du monde qui l’entoure ne se laisse pas facilement oublier : elle apprend qu’une collégienne s’est suicidée, retrouvée noyée dans le fleuve, des viols collectifs par des élèves de sa classe l’auraient conduite au désespoir et son petit-fils en était. Les pères des adolescents impliqués se réunissent pour étouffer le scandale, décident d’acheter le silence de la mère de la jeune fille et demandent à Mija d’être leur émissaire…

Souffrant de pertes de mémoire, elle apprend par son médecin qu’elle est atteinte de la maladie d’Alzheimer. Elle oublie des mots, des événements, et c’est là l’intelligence formidable du scénario qui fait de cette détresse et de l’expérience sensible de Mija une expression poétique de son rapport au monde, à sa laideur et à sa beauté, intimement mêlées dans l’oubli inexorable provoqué par sa maladie. De cet oubli nait alors une perception nouvelle des choses, débarrassée du bruit et de la fureur de l’existence, n’en dévoilant plus que l’essence douloureuse, nue et magnifique. De cette perception naîtra son seul et ultime poème, « La chanson d’Agnès », du prénom de la jeune fille disparue, car comme le dit Lee Chang-Dong sur sa vision de la poésie, « elle chante ce qu’un autre pense et ressent à ma place ».