The Murderer
Par Rodolphe le lundi, juin 6 2011, 20:49 - Lien permanent
(THE YELLOW SEA) Écrit et réalisé par NA Hong-jin
Trois ans après l’impressionnant The Chaser, thriller baroque époustouflant et premier film (le réalisateur était encore étudiant à l’époque !), Na Hong-jin revient avec The Yellow Sea,
à nouveau un polar au rythme haletant et tenu tout du long (on ne voit
vraiment pas passer les 2h20), joué par les deux même interprètes (dans
des rôles radicalement opposés), mais la comparaison s’arrête là. Si le
précédent film était un exercice de style brillant, on est ici face à
une œuvre infiniment plus complexe et subtile, et dont la dramaturgie
puissante dépasse de loin le cadre de la série B.
Comme souvent dans le cinéma coréen, Na Hong-jin s’embarrasse peu des
cases, des codes propres au cinéma de genre, et puise à loisir dans
toute la palette pour raconter au mieux, au plus serré, cette histoire
sombre et tragique, profondément ancrée dans la réalité sociale des
quelques 800000 Sino-coréens qui vivent à Yanji, ville chinoise coincée
entre la Russie et la Corée du Nord, sur les rives de la Mer Jaune (qui
donne au film son bien meilleur titre original, The Yellow Sea),
bras de mer séparant la Chine de la péninsule coréenne, que les «
joseon-jok » traversent au péril de leur vie, dans les soutes de cargos
rongés par la rouille, pour aller chercher du travail en Corée du Sud.
Gu-nam, chauffeur de taxi endetté jusqu’à l’os, accro au mah-jong, mène une existence misérable dans une ville où la moitié de la population vit d’activités illégales. Depuis six mois, il est sans nouvelles de sa femme, partie en Corée du Sud chercher du travail. Myun, un parrain local siégeant tous les jours au beau milieu du « 369 Market », un immense marché au chien qui abrite un millier de bêtes (une scène particulièrement forte dans le film, dans la tradition du cinéma réaliste chinois et dont l’expressionnisme sous-tend aussi cette violence bestiale qui se déchaînera par la suite), lui propose de l’aider à passer en Corée pour retrouver sa femme et en même temps de rembourser ses dettes de jeu. Pour cela, il devra y assassiner un inconnu… Mais bien sûr rien ne se passera comme prévu, et Gu-nam va se retrouver pris au milieu d’un règlement de comptes entre gangs, pourchassé de toutes parts y compris par la police (dans une course poursuite qui donne lieu à des scènes époustouflantes qui laissent loin derrière dans la poussière tous les gros blockbusters occidentaux shootés à la 3D qui vont se succéder durant l’été), cherchant désespérément sa femme et luttant pour sa survie. C’est l’histoire d’un type ordinaire (non, ce n’est pas un biopic sur François Hollande) qui, par nécessité, va devoir se transformer en meurtrier, et se trouve plongé dans un déchaînement de violence (oui, autant prévenir les âmes sensibles, c’est au couteau de boucher et à la hachette qu’ils règlent leurs différents…).
Mais heureusement, le film ne ce résume pas à ces scènes certes incroyables, où le grand-guignolesque touche à la fois au sublime et au burlesque le plus échevelé. La construction de l’intrigue et des personnages est particulièrement soignée, les deux acteurs principaux les incarnent magistralement, et la mise en scène virtuose, toujours au service du sujet ambitieux, confirme le grand talent de Na Hong-jin, un jeune cinéaste dont il faudra désormais retenir le nom.