Cogan - Killing them softly
Par Rodolphe le mardi, novembre 13 2012, 13:07 - Lien permanent
Écrit et réalisé par Andrew Dominik (USA, 2012, 1h37, sortie le 5 décembre), avec Brad Pitt, Richard Jenkins, James Gandolfini, Ray Liotta, Scoot McNairy, Sam Shepard, Vincent Curatola, Ben Mendelsohn… D’après le roman de George V. Higgins, L’Art et la manière.
Après L’assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford (où jouait déjà Brad Pitt), superbe western lyrique à l’atmosphère victorienne, le cinéaste néo-zélandais réalise pour son troisième film un polar lui aussi très stylisé mais au récit nettement plus dense et rythmé, explorant à nouveau avec un regard décalé l’Amérique et ses mythes. On pourrait convoquer les influences de Tarentino pour les dialogues surréels, des Coen pour le comique de situations absurdes, de Scorsese pour sa description violente de la mafia, et même de James Gray pour la mise en scène et en particulier l’usage très classe des ralentis dans les séquences de fusillades. Mais Andrew Dominik, plus qu’une synthèse du Panthéon du polar moderne, réalise ici le premier polar de l’Amérique en crise, un remix du genre au même titre que la magnifique reprise par les Fugees de Killing me softly with his song, connue par l’interprétation de Roberta Flack (le titre original de Cogan, Killing them softly, avait quand même plus de gueule…).
L’action se passe au moment de la crise des subprimes, à la veille du duel Obama-McCain de 2008. On entend par moments les échos lointains des discours politiques défendant les valeurs américaines du travail, de cohésion de la communauté, totalement absentes du décors, celui d’une Amérique dévastée : friches industrielles, bicoques délabrées laissées à l’abandon, rues désertées où seuls quelques junkies osent s’aventurer, à la recherche fébrile d’un autre plan minable pour se faire quelques dollars. L’intrigue est ultra simple : deux losers braquent un tripot clandestin tenu par Ray Liotta, déjà soupçonné par ses chefs de les avoir entubé sur une affaire similaires. Nos deux petits malins espèrent pouvoir lui faire porter le chapeau, car ils savent bien que sinon la mafia les pourchassera jusqu’à la tombe. Bien sûr, ils ne seront pas si malins que ça…
Cogan (Brad Pitt), tueur professionnel, est embauché par Richard Jenkins (génial en mafieux désabusé) pour démêler cette histoire et faire le ménage. La scène d’embauche donne lieu à un dialogue savoureux, Jenkins négocie pour réduire les frais, rechignant à faire faire le job par deux tueurs comme le demande Cogan : la pègre n’étant plus ce qu’elle était, c’est la crise aussi pour eux, reflétant la désespérance des classes moyennes dans un pays à l’agonie. Le deuxième tueur que Cogan va faire venir, c’est James Gandolfini, alcolo dépressif, qui bien sûr nous rappelle Tony Soprano et toute la thématique de la mafia désemparée à notre époque de perte de repères et de valeurs… Sans dévoiler plus ce scénario brillant, inventif, à la fois drôle et sombre, impossible de ne pas citer la réplique finale de Brad Pitt : « L’Amérique n’est pas un pays, c’est un business. »
Alors que s’apprête à déferler une horde de nains et de hobbits barbares aux pieds poilus dirigés par un néo-zélandais hirsute, que Disney vient de racheter la franchise Star Wars et d’aucuns craignent un retour des Ewoks sur les écrans, que la Statue de la Liberté a les pieds dans l’eau après le passage de l’ouragan Sandy, plongeant New York dans l’obscurité… un autre néo-zélandais débarque aux USA pour terminer le job.